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La nuit était le commencement

amaarisse
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Synopsis
Une jeune femme de 25 ans, nommée Aysel, accablée par des problèmes de santé d'une gravité sans commune mesure, rencontre un jour un neurologue qui changera sa vie à tout jamais.
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Chapter 1 - Chapitre 1 - La nuit était le commencement

Chapitre 1 - La nuit était le commencement 

C'était un soir d'hiver. Ce jour là, le toussotement de ma gorge ne cessait d'irriter ma gorge, encore, et encore. Je suis malade, et je le sais.

Il ne me reste plus que quelque temps à vivre, après quoi, je retournerais à je ne sais quoi. Peut-être à une autre forme de vie dans l'au-delà, peut-être dans une joie, peut-être dans un malheur. Ma vie n'a été tout le long qu'une succession d'échecs, alors autant que cette fin de vie soit magistrale. Je ferai en sorte qu'elle le soit. Je donnerai ma parole.

Je suis Aysel, mon prénom veut dire "éclat de lune", il est peut-être à mon image, sait-on jamais. Dans la vie, j'aime un tas de choses, j'aime lire, rêver, penser, réfléchir, débattre, danser, rire, chanter. Je suis connue pour mon humour et ma sympathie, mon analyse et mon intelligence.

Mais depuis un certain nombre d'années, je ne suis que réduite à cette malade qui ne cesse de se creuser dans mon corps, et de le corrompre petit à petit, et de le détruire de l'intérieur, peut-être à tout jamais. Je me sens mécanique de l'intérieur, il n'y a plus d'organes, il n'y a qu'une machine qui lutte pour continuer à fonctionner. Je me sens être un objet, je me sens comme la femme de la "colonne brisée" de Frida Kahlo.

Après des années à lutter contre la maladie, à voir neurologues sur neurologues, je me sens être une machine. Aucun diagnostic clair n'est jamais posé. Un jour je suis la Lune, le lendemain je suis la Terre. Je ne sais pas qui je suis, je ne sais pas ce que j'ai.

J'ai été récemment admise à l'hôpital. On m'a orienté vers un nouveau spécialiste, c'est la dernière fois que j'essaie de sauver ma vie. Après quoi, j'abandonnerai. Et je me donnerais le droit à avoir une morte belle, digne et ayant un sens, comme celle de Yukio Mishima. Je me donnerais le droit de la choisir. Si seulement on me laissait le choix. Si seulement je n'étais pas là, à reposer sur ce lit d'hôpital, tel un arbre desséché. Ma réalité me brise, mais je ne le montre pas. Je refuse de m'avouer vaincue. Je résisterai, pour un temps encore.

Il est 15 heures. Aujourd'hui, je n'ai pas fait grand chose, j'ai contemplé le plafond, à défaut de pouvoir contempler le ciel.

Je ne sais toujours pas combien de temps il me reste. Les secondes passent lentement. J'attends un geste de quelqu'un, j'attends seulement un sourire, que quelqu'un me parle, que quelqu'un me rassure. S'il vous plaît.

Quelqu'un toque à ma porte. Je sors doucement de ma rêverie.

"Oui? Qui est-ce?"

Un homme ouvre la porte, il est habillé d'une blouse blanche.

"Bonjour Madame, je suis votre médecin. Je suis chargé de m'occuper de votre cas. Je m'excuse pour cette longue attente."

Son regard était placide. L'ensemble de son être paraissait platonique. Il ne donnait aucune impression particulière. Il semblait désintéressé, et nonchalant. Ca en devenait une habitude pour moi, qui est été tellement fréquenté par le corps médical. Il devait sûrement être fatigué. Son excuse sonnait tel un rituel. Au vue de l'état des hôpitaux publics, elle devait sûrement sonner comme un mantra.

"Comment allez-vous?" - surenchérit-il.

"Je vais bien, merci". - répondis-je simplement.

"Nous allons revenir sur vos symptômes, si vous le voulez bien."

Le médecin s'assit sur le bord de mon lit et me regarda, toujours de cet air et ce regard mécanique, platonique. Comme s'il n'existait pas, comme s'il était impossible de savoir ce qu'il pensait réellement.

"Qu'est-ce que vous avez?" me demanda-t-il.

Qu'est-ce que j'ai salaud? Qu'est-ce que j'ai? Mais quel connard, celui-là. Et puis quoi encore? Les infirmières ne te disent donc rien? On m'assaille de questions en amont pour…ça?

Non, d'accord, ok, souffle Aysel. C'est la douleur qui te rend si antipathique. Garde ton calme, souris et explique lui. Il ne pourra t'aider si tu ne parles pas.

"Eh bien… j'ai été admise à l'hôpital récemment. Avant vous, j'ai été suivie par un autre médecin. Je suis venue dans cet hôpital après que ma mère ait appelé les pompiers, monsieur. Ce n'est pas la première fois que je viens ici, c'est toujours pareil".

Face à mon désarroi, le médecin ne semble pas vouloir dire mot. Il me regarde dans l'attente que je réponde à sa question.

Eh oui, Aysel, tu vas devoir en reparler. Désolée pour toi.

"Je…j'ai….euh…j'ai. Oui, j'ai."

Le médecin me regarde de cet air ennuyé, encore. Il attend.

"Oui?"

Je me ressaisis et je sors le plus beau sourire qu'il ne m'ait jamais été donné d'avoir. Je reprends mes esprits.

"Eh bien, Monsieur. C'est en fait compliqué. Durant plusieurs jours, j'ai été la victime de crises hallucinatoires. Je pensais…oui je pensais que j'étais soudainement devenue surhumaine. J'en ai parlé à ma mère, Monsieur. J'étais soudainement quelqu'un de surpuissant, et il fallait que tout le monde le sache, Monsieur. Mais je n'y suis pour rien, je voulais simplement aider, vous savez. Et euh, je … Je vais très bien Monsieur en réalité, vous savez. Je vais très bien. Je pense même que je pourrais sortit bientôt."

Le médecin me regarde, l'air hagard. Pas moqueur, mais presque. En réalité, je me fais sûrement des illusions. Son air était placide, encore une fois. C'est moi qui me faisait des idées, et qui imaginait sûrement voir quelque chose qui n'était pas.

"Il n'est pas question de quitter l'hôpital pour l'instant."

Ah.

"Aucune douleur physique particulière?"

"Non, Monsieur."

"Qu'est-ce qu'il se passait durant ces crises, dites-moi".

Il se tourna légèrement vers moi, pour la première fois. Alors qu'il était en biais pendant tout le long de l'échange.

Je lui donnerai 33 ans, pas plus. Il n'était pas nécessairement beau. Il avait une raie capillaire quelque peu douteuse, qui semblait peu à peu s'éloigner. Peut-être dû à son âge, il semblerait. Il avait les cheveux châtains, plutôt châtains foncés. Et il avait des yeux marrons foncés. Il était banal, voire moche.

"Madame? " dit-il en attente d'une réponse.

Mince, j'ai peut-être pensé trop fort. Reprends toi, Aysel.

Mais je suis fatiguée, et je n'ai aucune envie de parler.

"Vous n'avez rien pris?"

"Non, Monsieur."

"Aucune substance? Aucun alcool particulier? Prenez-vous des médicaments?" rétorqua-t-il frénétiquement, comme s'il s'agissait d'une habitude quotidienne de médecin.

"Uniquement ceux dont on me prescrit, et selon la dose indiqué, Monsieur."

"Aucune douleur physique?"

"Euh si…euh non…enfin parfois, je ne sais pas vraiment."

Le docteur me regarda, cette fois-ci dans les yeux, et marqua un temps d'arrêt. Il semblait comme légèrement agacé dans mon approximation constante et par mon absence de réponses claires.

"Avez-vous ressenti des douleurs physiques durant ces crises Madame ?"

"Oui Monsieur, je pense".

"Vous pensez?"

"Non, je sais. Je pense, je sais. Je pense donc je suis."

Il ne sembla pas comprendre qu'il s'agissait d'une blague. Ou non, en fait non, je pense qu'il n'était véritablement là pour rigoler.

"Ah."- répondit-il, cette fois-ci il fronça les sourcils.

Il n'était pas en colère. Mais il était… soûlé peut-être?

"Bien, Madame. Il me semble que ces derniers jours ont été très éprouvants pour vous. Il est normal que vous soyez encore dans une confusion. Nous vous avons prescrit du tercian, histoire de calmer votre agitation. Il faut le temps que le médicament fasse encore effet, et que surtout, vous puissiez prendre du repos pour vous. Ces derniers jours ont été particulièrement éprouvants, vous le savez mieux que moi. Il y a encore des éléments qui vous échappent, et c'est normal. Je reviendrais vers vous dans peu de temps, ne vous en faites-pas. Nous sommes encore en discussion avec mes collègues concernant votre cas."

Il détournera légèrement le regard pour regarder l'horloge.

Puis, il posa à nouveau son regard vers moi.

"Une question en particulier?" me dit-il.

"Euh…oui. Qui êtes-vous vraiment?"

J'eus l'impression de voir un léger défoncement de sourcils.

"Ah oui ! Excusez-moi Madame, j'ai peut-être omis de me présenter, au vue de l'urgence de la situation et de la précipitation dans laquelle j'étais. Je suis le docteur Mahedine Djabri, je suis spécialisé dans la neurologie. J'interviens notamment dans le diagnostic des maladies neurologiques. D'autres questions?"

"Non Monsieur, c'est très bien. Je vous remercie."

"Très bien, reposez-vous dans ce cas. Je reviendrai demain."

Il tourna directement les talons et se dirigea vers la porte dans un élan franc.

Je regardai le plafond une nouvelle fois, et je ferma les yeux.