Au départ,
le couloir s'étendait sous leurs pieds comme un tunnel grossièrement taillé dans la roche.
Ses parois rugueuses et inégales semblaient avoir été creusées à la hâte.
La lumière de la torche dansait sur les surfaces irrégulières,
projetant des ombres mouvantes qui s'étiraient et se contractaient
comme des créatures vivantes.
Le sol était irrégulier,
parsemé de pierres tombées et de fissures profondes.
Les bruits de leurs pas résonnaient d'une manière étrange,
comme si les murs eux-mêmes les avalaient à chaque avancée.
Mais plus ils s’enfonçaient dans le couloir,
plus l’impression d’être dans un espace brut, sauvage, s’effaçait.
Peu à peu,
la paroi s’affinait et se dessinait,
comme si une main invisible avait pris soin de la polir.
Chaque fissure, chaque crevasse,
lissée avec une précision inquiétante.
Les angles, autrefois arrondis et irréguliers,
se durcissaient,
devenant des lignes nettes.
Précises.
Comme une architecture taillée dans le vif.
Un frisson étrange parcourut Kael.
L’impression de passer d'un monde ordinaire
à quelque chose de profondément ancien.
Et destiné à une autre époque.
L’allée devant eux semblait avoir été façonnée plutôt que creusée.
La pierre qui la constituait était d’un noir abyssal,
aussi dure que du marbre
et polie au point de renvoyer la faible lumière de la torche.
Intrigué,
Kael glissa lentement ses doigts contre la paroi en avançant.
Contrairement à la roche brute des galeries précédentes,
cette surface était étrangement lisse.
Presque glaciale.
Par endroits,
des reliefs à peine perceptibles.
À mesure qu’ils progressaient,
les parois se faisaient de plus en plus marquées.
Ornées de symboles étranges.
Et de figures qui semblaient se fondre dans la pierre elle-même.
Des lignes droites et précises,
comme des motifs runiques,
se succédaient aux dessins courbes,
dignes des hiéroglyphes anciens.
Certains de ces signes étaient familiers.
Rappelant les symboles vikings qu’il avait étudiés
dans des livres poussiéreux.
Tandis que d'autres étaient totalement inconnus.
Des formes imbriquées et entrelacées
qui semblaient défier toute logique.
Adam, lui,
ne cessait de scruter chaque détail.
Écarquillant les yeux devant ce qu’il voyait.
Mais Kael,
bien que fasciné,
ressentait une inquiétude grandissante.
La progression était lente.
Chaque inscription semblait raconter une histoire.
Une épopée oubliée.
Mais aussi… effrayante.
Ils s’arrêtèrent devant une série de reliefs particulièrement détaillés.
Des scènes semblaient se dérouler sous leurs yeux :
Des silhouettes humaines —
certaines agenouillées,
d’autres levant les bras vers le ciel.
Mais toutes étaient entourées de formes monstrueuses.
Des créatures aux corps tordus.
Aux visages indistincts.
Des êtres
qui semblaient appartenir à un autre monde.
⋯
Leurs yeux étaient gravés avec une telle précision
que Kael eut l’impression qu’ils les observaient.
— Qu'est-ce que ça veut dire ?
murmura Kael,
un frisson parcourant sa colonne vertébrale.
Adam se pencha plus près,
le regard fixé sur les symboles.
Une énergie palpable semblait émaner des gravures.
Il toucha l’un des motifs en forme de spirale
et fronça les sourcils.
— Je crois que ce sont des récits d'un autre temps…
un autre monde peut-être,
dit-il lentement.
— On dirait qu’il y a une sorte de sacrifice…
mais pas comme on le comprend normalement.
Kael observa plus attentivement.
Des lignes fines,
presque invisibles à première vue,
traversaient les scènes.
De minuscules caractères cunéiformes
étaient inscrits sous chaque figure.
Ce n’étaient pas des mots simples,
mais des phrases entières,
qui semblaient décrire des événements complexes.
La répétition de certains symboles —
une silhouette courbée sous le poids d’un objet lourd,
des éclats lumineux,
des bras tendus vers une forme géante —
le perturba.
Un symbole particulier attira son attention :
une tour imposante,
surplombant un paysage de ruines,
éclipsant les hommes qui tentaient de lui échapper.
À ses pieds,
des formes minuscules,
semblables à des étoiles,
brillaient d’une lumière inquiétante.
— C’est… un message ?
dit Kael,
la voix hésitante.
Adam sembla se réveiller d’un rêve éveillé,
ses doigts frémissants passant d’une inscription à l’autre.
Il murmura,
plus pour lui-même que pour Kael :
— Peut-être…
ou une sorte d’avertissement.
— Mais qu’est-ce que ces symboles représentent ?
Il posa une main sur son visage,
comme pour éviter que l’angoisse le gagne.
Mais après un moment,
un petit rire nerveux s'échappa de ses lèvres.
Il se redressa,
jetant un coup d’œil autour de lui,
comme si les murs eux-mêmes pouvaient l'entendre.
— Ou alors,
peut-être qu'il s'agit juste d'une ancienne publicité pour un hôtel de luxe.
— "Venez voir la vue imprenable sur les ruines,
avec un accès direct à l'angoisse cosmique !"
— Ça expliquerait la tour géante, non ?
Kael le regarda, étonné.
Adam haussait les épaules,
une lueur d’ironie dans le regard.
Comme pour se convaincre lui-même
que ce qu’ils avaient trouvé
n’était rien de plus qu’un artefact vieux et exagéré.
— Détends-toi, Kael.
— Ce n’est probablement qu’une simple fresque…
faite par des types qui s’ennuyaient
et qui voulaient juste donner à leur mur un peu de flair,
ajouta-t-il avec un sourire forcé.
Mais le regard d'Adam
resta un instant figé sur les symboles.
Et un frisson parcourut son dos.
Kael observa son ami avec une certaine compréhension.
Adam avait toujours eu cette capacité
à recourir à des blagues maladroites
pour masquer sa propre anxiété.
Un mécanisme de défense
qui faisait parfois sourire…
Mais qui, ce soir,
semblait un peu plus fragile qu'à l'habitude.
Adam détourna le regard,
comme s’il cherchait à se reprendre,
et se remit à observer les parois.
Ses doigts frôlaient les gravures avec une attention renouvelée.
Mais Kael ne pouvait s’empêcher
de percevoir l’hésitation dans ses gestes.
Chaque mouvement était plus mesuré,
plus lent,
comme si Adam cherchait à éviter quelque chose
sans vraiment savoir quoi.
Ils avançaient prudemment,
l’atmosphère de la galerie pesant de plus en plus lourdement.
Chaque pas semblait résonner dans l’immensité des lieux.
Kael savait
qu’un faux mouvement
pouvait les conduire à la fin de leur exploration.
L’endroit semblait fait pour tester leur vigilance.
Chaque tournant,
chaque paroi
recelait des dangers invisibles,
tapis dans l’ombre.
Au bout de quelques mètres,
Kael s’arrêta net.
Il tendit l'oreille.
Il venait d’entendre un léger crissement sous ses pieds.
Sans un mot,
il s’élança en avant,
poussant Adam d’un coup d’épaule.
— Attention !
Adam, surpris, fit un pas en arrière.
Juste à temps pour voir
une série de pointes métalliques surgir du sol
dans un claquement sinistre.
La lame d’un piège siffla dans l’air,
manquant de peu leur pied.
— Tu m’as sauvé la mise, Kael,
marmonna Adam,
une sueur froide coulant le long de sa tempe.
— Tu penses que c'est un autre piège ?
Kael se pencha pour examiner la mécanique complexe,
son regard scrutant la paroi.
Il observa une petite gravure au-dessus du sol,
semblant marquer un point d’activation.
Il leva les yeux vers Adam,
un léger sourire en coin.
— Ce n’est pas la première fois que je vois ce genre de piège.
— Les vieux temples sont pleins de surprises.
— Reste sur tes gardes,
on n'est qu'au début.
Adam hocha la tête,
essayant de cacher son stress sous une risette nerveuse.
Mais Kael savait
qu’il avait raison de s’inquiéter.
La tension était palpable.
Ils continuèrent d’avancer,
cette fois plus attentivement.
Leur progression était marquée par un silence presque total.
Mais à chaque pas,
l’air semblait devenir plus lourd.
Plus oppressant.
Ils passaient devant des parois ornées de symboles étranges.
Des fresques en relief
représentant des créatures immenses
et des scènes de destruction apocalyptique.
Des scènes
qui semblaient plus réelles à chaque instant.
Kael scrutait chaque coin de l’allée,
les yeux rivés sur le sol,
les murs,
à la recherche de tout indice
qui pourrait signaler un autre piège.
Ce n’était pas seulement les dessins qui le préoccupaient.
Les pièges, bien que rares,
étaient souvent là où on ne les attendait pas.
Soudain,
un léger bruit métallique s’éleva derrière lui.
Kael se tourna d’un coup…
Et aperçut Adam,
qui s’était approché trop près d’une dalle en pierre.
La dalle commença à s’enfoncer lentement…
Et une autre série de pointes de fer
s’échappa du mur à côté d’eux.
— Adam !
Recule !
Kael bondit en avant
et repoussa Adam avec force.
Juste avant que les pointes ne se verrouillent
dans le vide
où Adam se tenait quelques secondes auparavant.
Le souffle court,
Adam se releva précipitamment,
ses yeux écarquillés par la peur.
— Ça commence à m’énerver, ces pièges !
— J’ai l’impression d’être dans un vieux film d’aventure,
avec des serpents
et des rouleaux de pierres géants…
lâcha-t-il,
tentant de masquer son angoisse sous l’humour.
Kael n’eut qu’un sourire fugace.
Mais il savait
que la situation était loin d’être aussi risquée
que les blagues d’Adam le suggéraient.
Chaque piège qu’ils évitaient
n’était qu’un avertissement
de ce qui les attendait plus loin.
— Moins de blagues,
plus de vigilance.
— Ce lieu est un véritable labyrinthe de dangers…
— Et je n’ai aucune envie de finir
dans l’une de ces fresques,
murmura Kael.
Adam acquiesça,
son regard redevenu sérieux.
Mais il ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil nerveux autour de lui.
Scrutant chaque ombre.
Chaque recoin.
Ils continuaient d’avancer,
leurs pas calculés,
leur esprit alerte.
Tout en restant dans un silence
chargé de tension.
À chaque coin,
chaque nouvelle fresque,
chaque piège évité…
La question restait la même :
Que se cache-t-il réellement dans cette obscurité…
et jusqu’où iront-ils pour percer ce secret ?
Kael s’arrêta net.
Il venait de lever les yeux.
Et le mur devant lui…
n’était pas comme les autres.