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Chapter 21 - Chapitre 21 — La Mère, la Fille et la Trahison

(Les événements se déroulent juste après l'audience impériale — voir Chapitre 20)

L'audience était terminée.

Xū Fang s'en alla sans se retourner, comme une ombre détachée de tout destin. Les couloirs du palais semblèrent se refermer sur lui. Les autres figures du pouvoir reprirent leur ballet quotidien — une danse de masques, de gestes et de faux silences.

L'Empereur quitta la salle, escorté de son épouse, Xīyue.

Derrière elle, Jinlian marchait à distance, invisible et indispensable.

Alors qu'ils progressaient lentement à travers les couloirs dorés, Xīyue baissa les yeux.

Quelque chose la rongeait.

Ce regard.

Le regard de Ken.

Ce n'était plus celui qu'elle avait connu dans la pénombre — le jeune homme troublé, au bord du désir, hésitant, vivant.

Ses yeux étaient devenus vides.

Non, pire que vides.

Ils étaient devenus des puits sans fond, où même son reflet ne pouvait plus survivre.

Un gouffre où l'amour ne pouvait plus vivre.

L'Empereur l'observa du coin de l'œil.

— « Qu'est-ce qui ne va pas, Xīyue ? »

Elle sursauta.

— « Rien… Majesté. Je réfléchissais simplement… »

Un ton plus bas, presque glissé :

— « Je me demande pourquoi votre frère a pris cette décision si soudaine. »

Puis elle ajouta, comme un venin posé au bord de la langue :

— « Je pense que c'est la faute de cette fille… Yuèyao. »

Jinlian, à l'arrière, sourit légèrement sans mot dire.

Certains poisons sont si subtils qu'ils n'ont pas besoin d'être injectés.

Il suffit qu'ils soient insinués.

L'Empereur rit doucement :

— « Hah… Tu es vraiment ma femme. Toujours à flairer les menaces. »

Mais ses yeux se durcirent.

— « Ne t'en fais pas. Je vais m'occuper de tout ça. »

À cet instant, une silhouette émergea au bout du couloir.

Une femme s'avança, droite, vêtue d'un hanfu d'un raffinement ancien, dont les broderies rouges rappelaient les anciennes consorts du palais intérieur. Son port était altier, ses cheveux relevés en une architecture de pouvoir. Et ses yeux — ces yeux bleu ciel froids comme le givre — ne laissaient aucune place à la douceur.

Xīyue pâlit.

— « Mère ?! Quand êtes-vous arrivée ? »

La femme s'inclina devant l'Empereur avec une révérence parfaite.

— « Il y a peu. »

L'Empereur la salua d'un ton respectueux.

— « Dame Liánhua. Comment allez-vous ? »

— « Je vais très bien… grâce à notre seigneur l'Empereur. »

Il parut satisfait.

— « Je vais vous laisser… entre mère et fille. »

Et, ignorant tout de la tempête qu'il venait de déclencher, il s'éloigna.

Dès que ses pas se perdirent dans le silence, l'atmosphère changea.

Liánhua releva lentement la tête.

Quelque chose dans l'air s'épaissit.

À ses côtés, Jinlian baissa les yeux et dit d'une voix mielleuse :

— « C'est un honneur de vous revoir, belle-mère. »

Liánhua répondit d'un ton égal :

— « Merci… de m'avoir informée. »

Ses mots étaient tranchants comme du cristal.

Xīyue se tourna brusquement.

— « Informée de quoi ? »

Mais au fond, elle savait déjà.

Jinlian n'avait pas besoin de sourire.

Elle n'en avait jamais eu besoin pour blesser.

— « Je t'ai vue. »

— « À la fenêtre. Dans ses bras. »

Le silence se brisa comme du verre.

— « Le jour où tu m'as empêchée de le frapper… » (Chapitre 14)

— « Cette nuit où il s'est faufilé dans ta chambre… » (Chapitre 16)

— « J'ai cru qu'il t'agressait. Alors j'ai voulu entrer… »

Elle s'arrêta, puis laissa tomber :

— « Et je vous ai vus. »

— « Il te serrait. Tu le serrais. Comme deux amants. »

Xīyue recula, le souffle coupé.

Tout son corps tremblait. Pas de peur seulement.

De honte.

D'humiliation.

De mémoire.

Liánhua n'avait pas bougé.

Ses yeux bleus semblaient pouvoir la transpercer.

— « Tu as oublié pourquoi je t'ai élevée. »

Sa voix était dure. Incassable.

— « Tu étais destinée au trône. Je t'ai façonnée pour le pouvoir. »

Un pas vers sa fille.

— « Et tu veux tout ruiner avec un serviteur ? »

Xīyue ne put parler.

Son cœur tambourinait.

Elle revoyait ses mains brûlées, ses genoux dans la neige, ses pleurs étouffés sous le brocart.

L'enfance. La discipline. L'éducation du mal.

Liánhua approcha encore.

— « Tu crois qu'il t'aime ? Ce garçon sans nom ? »

— « Tu crois que c'est ton cœur qu'il désire ? »

Un souffle acide :

— « Si tu n'avais pas été belle… jamais il ne t'aurait regardée. »

Elle la toucha doucement, presque avec tendresse.

Mais c'était le genre de tendresse qui précède la gifle.

Jinlian, d'un ton glacial :

— « Heureusement… nous n'aurons pas à nous salir les mains. »

Un sourire en coin :

— « Après ce qu'il a osé faire devant l'Empereur… » (Chapitre 20)

— « Il ne vivra pas longtemps. »

Xīyue resta figée.

Une statue de porcelaine fêlée.

Son cœur battait à tout rompre. Une phrase tournait en boucle dans son esprit, comme un poison qu'on ne peut recracher :

Ken va être tué.

Et elle… ne pourra rien faire.

Fin du chapitre 21

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